2. Contexte sociopolitique

 

Le projet LEGIPAR s’insère dans un contexte sociopolitique marqué par un discours récurrent sur la crise du politique. Celle-ci a été maintes fois diagnostiquée, aussi bien à l’échelle française qu’européenne. Elle s’appréhende concrètement à travers la multiplication des mouvements de protestation, remettant en cause l’ordre politique établi, la défiance des citoyens envers les responsables politiques et l’abstention électorale. S’agissant de l’Union européenne, ce désamour s’est exprimé très nettement à l’occasion des campagnes référendaires de 1992 et 2005, et s’est traduit par l’imposition de l’euroscepticisme comme composante incontournable du paysage politique français. Plus spécifiquement, il faut constater le manque de reconnaissance dont les députés nationaux disent souffrir et les difficultés que rencontrent les membres français du Parlement européen pour exister dans l’espace public national.

Ces constats suggèrent d’examiner les facteurs politico-institutionnels mais aussi les facteurs socioculturels qui sont susceptibles d’expliquer cette situation. Un des enjeux de LEGIPAR est donc d’accroître les savoirs, pour l’heure limités, à la fois sur l’identité et les comportements des parlementaires français, et sur la perception que les citoyens ont de la représentation parlementaire – tout particulièrement dans un contexte fortement concurrentiel (présidentialisation, intégration européenne, décentralisation, attrait pour les formes alternatives de participation). Ce manque de connaissances biaise toute tentative de réflexion sur la « crise de confiance » des citoyens envers leurs élus et sur l’avenir du régime français, d’une part, et de l’Union européenne, d’autre part.

- A l’échelle nationale, dans le contexte actuel de préparation d’une réforme des institutions de la Ve République, plusieurs éléments de réflexion portent sur la place du parlement dans le système politique : l’accroissement de ses capacités d’actions vis-à-vis du pouvoir exécutif, l’introduction du mode de scrutin proportionnel pour l’élection d’une partie des députés, la question toujours pendante du cumul des mandats. Cette dernière mérite toute notre attention, en raison des paradoxes qui l’affectent : la limitation du cumul est, en effet, promue par des élus qui s’en affranchissent au gré de leurs besoins ; elle est, en outre, réputée bénéficier du soutien des citoyens, alors même que ceux-ci semblent très attachés à l’ancrage territorial de la représentation politique. Enfin, du fait de récentes innovations institutionnelles (lois sur la parité) ou d’enjeux de société plus ou moins controversés (discrimination positive), la question de la représentation descriptive (équivalence de condition sociale entre représentants et représentés) se pose avec une acuité inédite en France.

- A l’échelle de l’Union européenne, il est manifeste que le traité de Lisbonne – dont l’entrée en vigueur n’est d’ailleurs pas acquise – n’a que provisoirement refermé la parenthèse constitutionnelle ouverte au début des années 2000, et n’a pas apporté de réponse claire à la crise de confiance dont ce système souffre. A moyen terme, une réflexion sur les moyens de sa légitimation est donc inévitable. LEGIPAR est susceptible d’y contribuer. En effet, si l’on assiste depuis les années 1980 à un processus continu de « parlementarisation » de l’Union européenne, on sait peu de choses de la manière dont cette évolution est perçue par les citoyens et sur sa contribution à la légitimation de l’Union européenne.

Tous ces éléments suggèrent que l’analyse de la représentation politique, notamment dans ses formes parlementaires, n’est pas qu’un enjeu scientifique mais aussi un des enjeux de société qui motivent débats et controverses aujourd’hui en France. Bien que l’élaboration du projet LEGIPAR réponde d’abord à des questionnements de recherche, l’équipe prendra en compte les questionnements sociétaux qui peuvent s’y articuler. L’expertise ainsi constituée pourra notamment donner lieu à des rapports à destination des pouvoirs publics, si une demande de cet ordre lui était adressée, et sera diffusée sous différentes formes à un public non spécialisé.

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